Stanislas Desjonquères : 4 conditions pour réussir la libération de votre entreprise

Une interview par l’APM de Stanislas Desjonquères, patron de Biose, une entreprise pharmaceutique de 80 personnes passée en gouvernance libérée depuis 4 années.

Lorsque l’on parle d’entreprises libérées, mes interlocuteurs me rétorquent souvent qu’il ne s’agit que de quelques entreprises, toujours les mêmes. Il est vrai que quand le sujet vient sur la table ce sont toujours les mêmes exemples qui reviennent : FAVI bien sûr, Buurtzorg, Valve, Poult, Chronoflex… Or il y a chaque année de plus en plus de dirigeants qui se lancent dans la libération de leur entreprise. Le phénomène prend de plus en plus d’ampleur.

Une interview de Stanislas Desjonquères réalisée par l’APM (Association pour le Progrès du Management, Droits réservés).
En 2007 il reprend les rênes de l’entreprise pharmaceutique Biose, une entreprise familiale fondée il y a plus de 60 ans, installée en Auvergne et comptant aujourd’hui 80 salariés.
En 2014 il décide de passer à une gouvernance basée sur les concepts de l’entreprise libérée.
Il nous livre ici le fruit de son expérience et ses conclusions après deux années de « libération ».

Stanislas Desjonquères commence par rappeler ce que l’entreprise libérée n’est pas :

  • une entreprise sans règles ;
  • une entreprise ou chacun fait ce qu’il veut ;
  • une entreprise ou toute décision se prend par consensus.
  • L’entreprise libérée est une entreprise qui permet de maximiser la motivation des collaborateurs par la mise en place d’un environnement qui met en avant l’autodétermination et la responsabilité de chaque personne.

« Le pari de l’entreprise libérée est de faire converger les besoins de l’entreprise, les centres d’intérêt de la personne et ses qualités. Quand le point commun entre ses trois dimensions est trouvé, c’est gagné. »

Des considérations éthiques et stratégiques

Au point de départ, pour Stanislas Desjonquères, il s’agit de rencontrer deux considérations essentielles pour lui :
Considération éthique : comment faire pour respecter les personnes dans le monde difficile et stressant que constitue une entreprise. Comment faire pour aimer les gens tels qu’ils sont. Créer une entreprise qui aide la personne à devenir ce qu’elle est appelée à être dans les limites des besoins de l’entreprise.
Considération stratégique : L’innovation est la clé du succès d’une entreprise comme Biose. Il est convaincu que l’innovation au niveau des produits passe d’abord par l’innovation dans l’organisation. L’environnement de travail doit permettre à l’innovation d’éclore.
Après une longue réflexion, il est arrivé à la conclusion que la structure hiérarchique ne permettait plus d’atteindre ses objectifs éthiques (respect de la personne) et stratégiques (innovation).

Comment libérer son entreprise ?

A la question de savoir comment s’est pris la décision de lancer le processus, il répond clairement :

« C’est une décision autocratique, tout à fait personnelle et tyrannique ». Demander à un comité de direction de réfléchir sur ce sujet, c’est lui demander d’analyser comment scier la branche sur laquelle il est assis : ce n’est pas possible. La décision de libération est autocratique !

Pour Stanislas Desjonquères, il n’y a pas d’approche prédéterminée pour libérer une entreprise. Une démarche préétablie serait contraire au principe même de la libération. C’est un saut en parachute. Il y a un pilotage et une intention : l’autonomie des personnes pour que la mission de l’entreprise soit remplie au mieux. Chaque histoire un unique. C’est un chemin qui se fait pas à pas, par essais et erreurs.

Il nous livre quatre axes pour que la libération puisse réussir :

D’abord régler les problèmes du quotidien : il n’est pas possible d’intéresser un salarié à un objectif commun ou à un sens pour l’entreprise si à son niveau il a un sentiment d’injustice au quotidien, de dysfonctionnements, de tracasseries, de mal-être. Il faut donc d’abord que chacun puisse exprimer ce qui ne va pas dans l’entreprise et que ces points soient réglés.

Il faut un objectif, une mission, un sens commun qui fédère les collaborateurs. Le principe de l’entreprise libéré est bien que les joueurs sur le terrain sont les plus à même de décider de ce qu’il faut faire pour gagner la partie. Encore faut-il qu’ils soient tous d’accord sur les objectifs et les modalités du jeu. Si certains se voient comme des joueurs de foot, d’autres se croient sur un terrain de handball et un dernier arrive avec son cheval parce pour lui c’est du polo, cela ne va pas fonctionner.

L’accès aux moyens : quand un salarié veut poser des actes pour contribuer à l’objectif commun, il faut qu’il ait accès aux moyens pour le faire, sans devoir demander la permission à qui que ce soit (cela ne veut pas dire qu’il ne demandera pas l’avis de ses collègues. Voir l’article sur la sollicitation d’avis).

La capacité de contempler le résultat. Ce qu’un salarié fait, il doit pouvoir en voir le fruit : le fruit immédiat, mais aussi le fruit global. Il s’agit donc d’assurer la transparence au niveau des résultats et de tout ce qui se passe dans l’entreprise.

L’interview :

 

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